Le thé oriental beauty est un thé bien connu du monde du thé. Mordu par des insectes, un goût fruité/fleuri intense et miellé prononcé, ce thé originellement connu pour être cultivé à taiwan (Hshinchu et Miaoli par exemple) voit sa manufacture utilisée pour d’autres pays, notamment les thés Muscatel dans les jardins de Darjeeling. Qu’est-ce qui donne ce goût et que se passe-t-il dans la plante ?
Les étapes de fabrication de l’oriental beauty sont un peu différentes des étapes de culture traditionnelles des oolongs taiwanais. N’ayant pas une expertise en la matière, je ne vais pas pouvoir détailler beaucoup cette partie, mais il faut avoir en tête qu’il y a une étape d’infestation naturelle des champs par des insectes semblables aux sauterelles avant cueillette. Cette étape est maitrisée pour éviter une mauvaise pousse voire la mort des théiers et dure quelques semaines. L’oriental beauty subit également une étape d’oxydation plus longue, cela se traduit avec des feuilles vertes et plus ou moins brunes et rousses (Cho et al. 2007).
Que se passe-t-il dans une feuille mordue ?
Brièvement, pour manger les feuilles, les sauterelles vont sécréter une salive pour décomposer en partie la feuille. Les molécules locales de la feuille seront modifiées soit directement par les morsures, soit suite à une réaction de défense. En effet, chaque étape de production du thé peuvent générer des stress aux feuilles comme la cueillette. Le degré de morsure serait un stress supplémentaire local avant cueillette puisque la salive peut modifier localement certaines molécules de structures ou volatiles. La façon dont la plante réagit à cette attaque est encore un stress supplémentaire. C’est donc un équilibre entre les stress qui va générer le goût particulier de l’oriental beauty, et pas juste un ou deux stress (Cho et al. 2007).
La feuille est une vraie usine chimique pour le théier, par exemple pour assurer la photosynthèse (la croissance de la plante). Si le théier a des feuilles trop endommagées, il ne poussera plus correctement. La production de molécules dans le théier sera complètement modifiée, ces molécules permettent de lutter contre l’attaque des insectes. Ces molécules se localiseront dans la feuille ou seront volatiles. Elles peuvent agir comme répulsif naturel ou comme agent protecteur contre la dégradation chimique (Cho et al. 2007 et Liu et al. 2020).
Dans un organisme, la production de molécules est gouvernée par notre code génétique. Des changements environnementaux, ici l’infestation, peuvent modifier la façon dont le code génétique fonctionnera. Ainsi, certaines molécules seront produites pour répondre au stress au profit des molécules normalement produites. Selon différentes études sur le profil chimique et génétique des feuilles d’oriental beauty, ce sont des milliers de gènes qui fonctionneraient différemment ce qui serait responsable de près d’une centaine de molécules produites différemment par rapport à d’autres cultures de thé dont de oolongs taiwanais (Cho et al. 2007, Liu et al. 2020, Chien et al. 2020 et Mei et al. 2017).
Par exemple, une classe de molécules bien représentée dans certains oolongs, le linalool, est plus fortement produite dans les oriental beauty en réponse à l’infestation car cette molécule possède un rôle répulsif. Ceci est permis parce que la plante infestée va plus produire de la linalool-synthase, une molécule responsable de la production du linalool (Mei et al. 2017). Les types de linalool produits n’ont pas été étudiés en détail mais il a déjà été montré que chaque linalool semblerait donner un goût particulier comme la fleur, le sucre et la crème, ce qui pourrait expliquer une texture plus profonde et sucrée en bouche des orientals beauty (Wang et al. 1994).
Des paramètres fins et connectées entre eux.
Le degré d’infestation
Dans les faits, dans un champ de culture d’oriental beauty, toutes les feuilles ne sont pas attaquées par les insectes puisqu’il faut trouver un équilibre entre la résistance de la plante et une production optimale sans dégâts irréversibles. Chien et al. se sont intéressés à des degrés d’infestation des champs de culture d’oriental beauty allant de1-33% , 34-66% et 67-100%. A l’infusion des feuilles, les auteurs ont constaté qu’une plus grande infestation entraîne une plus grande production de molécules responsables du goût sucré par rapport à une faible infestation. Cependant, la production globale de molécules impliquées dans la résistance au stress était plus grand ce qui signifie que les théiers fortement infestés résistent plus fortement à l’infestation mais pourraient être plus vulnérables à des stress supplémentaires.
D’après certains cultivateurs, notamment de thés muscatel, il semblerait qu’au bout de plusieurs années de cycles d’infestations, les théiers ensuite non infestés produisent tout de même naturellement le même type de molécules que les théiers infestés. Plusieurs questions se posent alors notamment si l’adaptation à l’infestation s’installe durablement dans le code génétique du théier.
L’oxydation
Bien d’autres molécules sont plus ou moins produites à l’infestation et participent aussi à la qualité aromatique du thé, ces molécules seront aussi soumises à l’oxydation plus prolongée des feuilles. Il semblerait également que le processus de séchage prolongé des feuilles entraîne une accumulation d’acide abscissique, une phytohormone qui va entraîner la production d’autres molécules qui produiront ou modiefiront des molécules dans les feuilles d’oriental beauty (Cho et al. 2007). Il serait très intéressant d’étudier plus en détail l’oxydation des oriental beauty qui serait tout aussi importante que les morsures.
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