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Le thé rend-il anémique ?

Dernière mise à jour : 2 janv. 2022

Le thé est connu pour ses vertus pour la santé. Pourtant, il a une étiquette qui lui colle à la peau depuis des décennies : il vous rend anémique, en manque de fer ! Le thé nous mettrait-il à plat plutôt que de nous aider ? Qu’est-ce que l’on sait exactement du thé et du fer ?


Pourquoi on en a tellement besoin pour l’organisme ?


Avant 1932, nous ne connaissions pas l’importance du fer pour l’organisme ! Et pourtant, il circule dans votre sang toute la journée. Le fer est un des constituants majeurs de notre hémoglobine, la protéine des globules rouges. Le fer va lier les molécules d’oxygène ce qui permet alors aux globules rouges de l’acheminer jusqu’à nos organes. De plus, le fer est un élément indispensable à l’activité de certaines molécules de l’organisme notamment les molécules permettant la réparation et la synthèse de notre ADN (Puig et al. 2017 et Abbaspour et al. 2014). Notre fer est stocké dans notre corps dans le foie, la rate, les muscles, la moelle osseuse et les os. (Nicolas et Vaulont, 2005) L’équilibre du fer va reposer sur notre alimentation et les protéines assurant son stockage et son absorption par les intestins. S’il n’y a pas assez de fer dans l’organisme, c’est l’anémie.


L’anémie, une pathologie plus commune qu’on ne le pense


On estime que l’anémie toucherait plus de 30% de la population. Pour évaluer l’anémie, une prise de sang est réalisée pour détecter les quantités d’hémoglobines dans le sang, qui sont corrélées aux quantités de fer dans le sang. On estime qu’il faut entre 11 g/dL de sang et 18 g/dL de sang (des variations existent entre l’âge et le sexe). L’anémie peut être causée par de nombreuses pathologies, mais la cause la plus fréquente est une carence en fer dans l’alimentation et les périodes de menstruations. L’un des signes les plus évidents en cas d’anémie est la grande fatigue, potentiellement liée à un manque de transport de l’oxygène par les globules rouges. Selon la gravité de l’anémie, il peut y avoir par exemple des troubles vasculaires. Une maladie qui n’est pas à prendre à la légère (Turner et al. 2020)


Le thé, un aimant à fer ?


Parmi les études sur le thé et l’absorption du fer, celle de Disler et al. datant de 1975 est une des plus connues. Brièvement, les auteurs ont soumis des personnes volontaires à un régime riche en fer. Puis, ces personnes ont bu soit de l’eau (contrôle négatif) soit du thé. Les auteurs ont constaté que le taux de fer absorbé était presque divisé par quatre lorsque les personnes ont bu du thé, sans pour autant souffrir d’anémie.


Cette propriété du thé a absorbé le fer est liée aux molécules aux mille et une vertus : les polyphénols. Les polyphénols contenus dans le thé, comme les catéchines, sont capables de former des complexes avec le fer. Ceci empêche la prise en charge du fer lors de l’absorption par les intestins. Ceci mène à une diminution du taux de fer dans l’organisme.


Existe-t-il des différences d’absorption entre différentes sources de fer ?


Le fer est contenu dans de nombreux aliments hautement protéinés comme la viande animale, le blanc d’œuf et certaines légumineuses (lentilles, épinards, etc). Il faut distinguer deux formes du fer : héminique (c’est-à-dire du fer contenu au cœur d’un anneau de molécules organiques) et non héminique (fer sous forme libre). La forme héminique est plus facilement absorbée par notre organisme que la forme non-héminique, il est recommandé de diversifier ses sources de fer (West et Oats, 2008) (Harvard Nutrition Source). Si des études sur les différences d’absorption entre les deux fers ne sont, à ma connaissance, pas disponible, il pourrait être important de prendre en compte cette donnée dans le cas des régimes alimentaires sans produits animaux ou bien dans le contexte des compléments alimentaires (le fer est sous-forme non-héminique, Lazrak et al. 2021)


Le thé rendrait-il anémique pour une consommation de thé poussée ?


La réponse n’est pas aussi contrastée que l’on pourrait le croire. On a beaucoup lu ces dernières années que le thé peut mener à l’anémie. Mais dans quelles conditions ? Dans un cas clinique de 1995 (Gabrielli et De Sandre 1995), une jeune femme présentait une anémie chronique qui s’aggravait de semaines en semaines. Après investigation de son mode de vie et de son alimentation, il s’avère que la jeune femme buvait plus de 1,5 litres de thé par jour et ne buvait plus aucune autre source de liquide. Si les auteurs ne se sont pas intéressés aux quantités de feuilles utilisées ni aux périodes de boisson, on peut supposer qu’elle en buvant pendant les repas, soit la période où le fer est le plus exposé et donc plus facilement absorbé par le thé.


Mais quand est-il du cas où l’on consomme du thé sans excès (soit pas plus de 3 tasses de thé par jour)?


Les études d’absorption du fer par le thé se sont déroulées surtout chez l’animal et l’Homme. En 2017, Delimont et al. ont compilé un certain nombre d’études autour de cette thématique.


Chez l’animal, les résultats sont très contrastés, peu importe qu’il s’agisse d’extraits de polyphénols de thé noir ou de thé vert par exemple. En revanche, lorsque l’on s’intéresse aux études chez l’Homme, on peut distinguer plusieurs faits intéressants. Selon l’étude réalisée (un seul repas, suivi sur plusieurs semaines, etc), les résultats peuvent être différents. En effet, les résultats semblent plus contrastés lorsque les études concernent un repas unique. Dans les suivis des patients sur plusieurs semaines, la majorité des études n’ont pas conclu à une interférence du thé dans l’absorption du fer. Si l’on s’intéresse aux études ayant relevé des diminutions de fer dans l’organisme, elles sont de l’ordre de 5%. Dans l’une de ces études, les patients présentaient déjà une anémie, ce qui pourrait révéler une fragilité des patients déjà anémiques pour le thé.


De plus, selon la source de polyphénols utilisés (extraits, tanins condensés, etc) les effets peuvent être différents puisque plusieurs études ont même observé une augmentation de l’absorption en fer. Dans toutes les études compilées, il n’y a eu aucune anémie déclenchée par le thé.


Cette récente compilation d’études épidémiologiques chez l’Homme est concordante avec une compilation plus ancienne (2004) menée au Royaume-Uni. Dans les 35 études analysées, Nelson et al. ont démontré que la consommation quotidienne de thé n’engendrait pas l’apparition d’anémie chronique.


Comment boire son thé pour éviter tout risque de manque de fer ?


Les professionnels de santé recommandent d’espacer la consommation de thé des repas. Une étude sortie en 2017 ne fait que confirmer ces recommandations. En effet, Fuzi et al. ont démontré que la consommation de thé une heure après le repas diminuait l’absorption du fer par le thé de 50%. Ceci peut s’expliquer par le fait que le fer est rapidement absorbé dans les intestins. On peut donc supposer que le thé n’absorbe plus qu’une partie du fer issu de l’alimentation.

 

Le thé diminue l’absorption de fer, en particulier si le thé est bu pendant les repas, mais peut surtout représenter un danger si les personnes présentent déjà une anémie ou si elles présentent un terrain favorisant son apparition (hérédité, possiblement régime sans produits d’origine animal, utilisation de compléments alimentaires pour les carence en fer). Pour limiter cet effet négatif du thé, il faudrait espacer d’au moins une heure la consommation de thé et le repas.

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