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Les allégations de santé dans le thé : Qu'en est-il exactement ?

Dernière mise à jour : 5 juin

Récemment, Kusmi Tea a lancé un nouveau thé appelé Rituel – Minceur. Il s’agit d’un mélange de thé vert bio avec des extraits de thé vert (94%), du maté bio, des arômes naturels de cerise et de fraise. Le thé est décrit comme un thé minceur grâce à un principe actif, l’EGCG, qui permettrait l’oxydation des graisses et qui a été étudié dans trois études cliniques sur le poids. Ce mélange stimulerait notre métabolisme et permettrait de brûler des calories. On y retrouve également une posologie : 3 tasses par jour (200mL, 2g / sachet) ainsi qu’une contre-indication (femmes enceintes et allaitantes, enfants de moins de 18 ans et pas plus de 800mg d’EGCG et 6 tasses par jour).


Jusqu’à présent, aucun vendeur de thés n’est allé aussi loin dans la proposition de thés bien-être, il est donc naturel de se demander quelles allégations de santé sont possibles, sont-elles vérifiées à l’échelle du thé et à l’échelle de ce mélange ?  


Que disent les textes en matière de régulation des allégations de santé sur le thé ?


Depuis 2007, les allégations de santé (tout message qui affirme, suggère ou implique l’existence d’un lien entre la santé et une denrée alimentaire) sont régulées par le règlement européen (CE) n°1924/2006. Il permet de garantir une information transparente aux consommateurs tout en encadrant ce que les vendeurs de thé peuvent dire. Chaque catégorie de produits est soumise à une régulation, dont les plantes comme le thé. Plus de 2000 allégations de santé sur les plantes et substances botaniques sont « mises en attente » par la Commission européenne. Concrètement, cela veut dire que la procédure d’autorisation communautaire d’utilisation de ces allégations est mise en suspens le temps de l’évaluation de l’AESA, un organisme qui s’occupe de la validation scientifique des allégations de santé. Des termes très précis peuvent être utilisés et uniquement ceux-ci, mais ne sont juridiquement pas valides et doivent être vérifiés par la suite par la commission.


Dans le tableau des allégations de santé dites génériques dont le thé fait l’objet, il faut se référer à l’onglet 2 (termes traduits de l’anglais) et chercher les cases se référant au thé (on prendra pour exemple la ligne 1103).

Chaque terme (exemple : thé vert, etc) est associé à un effet précis que l’on doit utiliser pour ce/ces terme(s) et pas un autre (ex : EGCG). Un ensemble de libellés déposés y sont associés et il faut les utiliser (ex : Les antioxydants aident à protéger le corps en renforçant les défenses naturelles contre les radicaux libres).


Dans le cas de Kusmi Tea, il y a : thé vert / EGCG / extraits de thé vert / maté. Ils peuvent utiliser les lignes 1103, 1106, 1107, 1111 à 1124 et 1274 à 1280 pour parler du thé vert mais pour l’EGCG, seule les lignes 1103 et 1107 peuvent être utilisées.


En se basant sur ces lignes, Kusmi Tea a le droit de parler de contrôle/gestion du poids, de contribution à l’oxydation des graisses, de stimulation du métabolisme et de brûler des calories pour ces deux termes, puisque les libellés et les fonctions biologiques sont acceptés (en ayant à l’esprit que ces allégations sont en attente de vérification !!!). En revanche, Kusmi Tea écrit « thé pour maigrir », ce terme n’apparaît pas dans les allégations de santé en attente. Ils ne peuvent donc pas écrire « Thé pour maigrir ».  De même dans le cas du maté (dont étonnamment on ne parle pas des effets sur la fiche produit), un post datant du 17 mai 2024 indique qu’il est « riche en antioxydants ». Hors la seule ligne dédiée au maté (2058) indique que la fonction acceptée est le drainage/diurétique. Kusmi Tea ne peut donc pas écrire que le maté est riche en antioxydants et doit justifier l’ensemble des termes choisis qui se rapportent aux antioxydants.


Dans les posts instagram de Kusmi Tea (notamment du 25 mai 2024), « le thé vert est reconnu pour ses vertus antioxydants ». Selon le tableau, comme ils ont parlé « d’antioxydants » (contrairement aux écrits de la fiche produit), Kusmi doit préciser la fonction « antioxydants » et doit justifier scientifiquement ses propos (ce qui n’a pas été fait en post instagram). 


Dans quelle catégorie est classée un thé avec des allégations de santé ? (Médicament, complément alimentaire, etc) ?

 

Vous l’aurez compris, il est très difficile de parler des allégations génériques de santé dans le thé. D’un côté, une liste de termes en attente de vérification des institutions est à disposition des professionnels et particuliers, de l’autre des manquements sont fréquents, notamment sur les allégations thérapeutiques qui sont interdites (lutter contre, s’utilise pour, utilisé dans le traitement, etc). L’allégation « détox » avec un autre terme « super aliment » est très fréquente dans le thé et est une allégation interdite. Il est donc important de s’assurer que Rituel-Minceur n’est pas présenté comme un médicament ou un complément alimentaire.


Le médicament désigne toute « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. ». Le médicament contient un principe actif (substance thérapeutique ou préventive) et des excipients. Le médicament a fait l’objet de nombreux essais précliniques et cliniques, ainsi qu’une description du mécanisme d’action. Contrairement aux denrées alimentaires et aux compléments alimentaires, le médicament doit faire l’objet d’une AMM, l’Autorisation de Mise sur le Marché obtenue après démonstration de la balance bénéfice/risque en faveur de son utilisation. Le médicament est donc un produit très encadré dont la valeur thérapeutique ou préventive a été scientifiquement évaluée.


Un complément alimentaire est « une denrée alimentaire dont le but est de compléter un régime alimentaire normal et qui constitue une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique ». Il est donc interdit de parler de thérapie ni de prévention ! Ils font l’objet d’une régulation à part par la DGCCRF. Ils sont légalement déclarés dans le marché des compléments alimentaires et doivent obligatoirement être accompagnés d’un descriptif (objectif, composition, mention « non substituable à son régime » et conditions de prise.


Dans la communication réseau social autour de Rituel-Minceur et la fiche produit, on distingue plusieurs éléments qu’il est difficile de dissocier du médicament et/ou du complément alimentaire :


-          L’EGCG est désigné comme principe actif. Or ce terme est utilisé pour le médicament. Cela suggère que l’EGCG a un effet thérapeutique et/ou préventif sur le poids.

-          L’efficacité de Rituel-Minceur est dite « efficacité prouvée », « reconnue par des essais cliniques ». Or, Rituel-Minceur n’a pas fait l’objet d’essais cliniques (base de données Clinical Trials).

-          Rituel-Minceur a une consigne d’utilisation mais sans appellation « complément alimentaire » à minima, Kusmi Tea ne peut donc pas décrire son utilisation comme un complément alimentaire.

Dans un sachet de 2g de thé, il y a 64mg d’EGCG, ce qui fait 192mg d’EGCG/jour. Pour justifier l’utilisation d’EGCG, Kusmi Tea s’appuie sur 3 publications qui ne sont pas des essais cliniques I à IV mais des suivis de patients pour la recherche clinique (l’essai clinique évalue l’efficacité et l’innocuité du médicament, la recherche clinique vise à accumuler des données pour avancer les connaissances en matière de santé humaine). L’étude de 2008 s’est basée sur des capsules de 250mg de thé vert (dont 33.58mg d’EGCG), celle de 2016 entre 50.5-84.5 mg d’EGCG et celle de 2012 208 mg d’EGCG. Le point commun de ces études est que la forme galénique est similaire (capsule d’extraits de thé vert), ce qui n’est pas le cas de Rituel-Minceur qui est une infusion de feuilles de thé vert et de maté avec un enrichissement en EGCG issus d’extraits de thé vert. Il faudrait donc tester cette formulation dans un suivi de patients en situation de surpoids/obésité pour pouvoir confronter les différentes données.


Récapitulons les différents éléments à notre disposition pour comprendre pourquoi le positionnement produit de Kusmi Tea amène ce débat :


Les allégations de santé sur le thé vert/extraits de thé vert/EGCG sont autorisées par la DGCCFR à condition de retranscrire strictement les libellés comme « oxydation des graisses », « aide à la gestion du poids » dans le cas de Rituel-Minceur. Cependant, ces allégations sont classées « en attente », ils n’ont pas de valeurs juridiques et devront être vérifiés par l’AESA pour les valider.


« Thé pour mincir » est une allégation interdite.  L’un des ingrédients, le maté, est décrit comme « riche en antioxydants », Kusmi Tea n’a pas le droit de dire ça sur la fiche produit et dans leur communication car les mentions "maté - riche en antioxydants" ne figurent pas dans la liste des allégations de santé en attente.


Rituel-Minceur n’est ni un complément alimentaire, ni un médicament. Par conséquent, Kusmi Tea n’a pas le droit de décrire l’EGCG comme un principe actif, ce qui sous-entendrait que Rituel-Minceur a une action thérapeutique ou préventive. Kusmi Tea n’a pas le droit de délivrer des instructions d’utilisation comme un complément dans le cadre d’un enrichissement de son alimentation.


Enfin, et c’est là le plus gros problème, Rituel-Minceur n’a pas été testé cliniquement contrairement à ce que Kusmi Tea écrit. Sa formulation est différente des études sur l’EGCG citées par Kusmi Tea, le lien entre la preuve scientifique, les études citées et le produit est donc très discutable.  


Une conclusion encore plus simple : Kusmi Tea n’a pas le droit de dire que Rituel-Minceur fait maigrir et les éléments qu’ils mettent en avant pour le justifier sont insuffisants.


Le but de cet article n'est pas d'épingler X ou Y boutiques de thé. Cet article est aussi l'occasion de réfléchir sur la pertinence des allégations de santé "mises en attente" par nos Institutions. D'un côté, certaines allégations peuvent être écrites mais peuvent être non vérifiées/en cours de vérification. On peut se demander de la pertinence scientifique de cette démarche, si ce n'est intéressée ...

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