Les cas de diabète ne cessent d’augmenter dans le monde, et en France. Si de nombreuses avancées scientifiques ont été réalisées pour mieux comprendre la maladie et la prendre en charge, certaines personnes s’intéressent au thé en plus des avis médicaux. Le thé est-il anti-diabétique ? En réduit-il les symptômes ou prévient-il la survenue de la maladie ?
L’importance de contrôler sa glycémie.
Le glucose est une des sources d’énergie de notre organisme. Nos cellules vont transformer le sucre en ATP, une molécule énergétique qui est essentielle au fonctionnement de notre organisme. (1)
La glycémie représente le taux de sucres dans le sang. A jeun, elle est estimée à 1mg/L de sang et elle varie au cours de la journée. L’hyperglycémie (>1,26 mg/L à jeun) et l’hypoglycémie (<0,6mg/L à jeun) ont des conséquences grave à long terme. L’hypoglycémie empêche le corps de fonctionner correctement puisqu’il va manquer d’énergie. L’hyperglycémie peut entraîner l’apparition de maladies cardiovasculaires (AVC, infarctus du myocarde), des néphropathies, des rétinopathies, etc (2)
La glycémie est contrôlée par deux organes : le foie et le pancréas. En cas d’hyperglycémie, les cellules béta du pancréas détectent l’excès de sucres et vont libérer dans le sang une hormone appelée insuline. L’insuline se fixe à la surface de nos cellules et active les transporteurs au glucose (GLUT). Le sucre dans le sang entre dans les cellules, la glycémie diminue. Le glucose sera aussi stocké dans les muscles, les cellules graisseuses et le foie pour répondre à de futures baisses de la glycémie entre les repas et pendant la nuit. Les cellules alpha du pancréas et les cellules du foie détectent cette baisse et vont sécréter une hormone appelée glucagon. Cette hormone se fixe à la surface des cellules des organes de réserve du sucre, entraînant la libération du sucre dans le sang (3)
Le diabète c’est quoi ?
Le diabète touche 463 millions de personnes dans le monde et 4,5 millions de personnes en France : 4 fois plus qu’il y a 40 ans (4). Il existe 3 formes de diabètes :
Le diabète de type 1 représente 10% des diabètes. C’est un déficit de sécrétion de l’insuline qui engendre une hyperglycémie continuelle. Il s’agit d’une maladie auto-immunitaire, c’est-à-dire que les cellules immunitaires de notre organisme (principalement les lymphocytes T cytotoxiques) ne reconnaissent plus les cellules béta du pancréas comme appartenant à notre organisme et vont les détruire. C’est une maladie qui peut être génétique et qui peut apparaître à tout âge (préférentiellement jeune, avant la puberté et chez les hommes) (5)(6)
Le diabète de type 2 représente la grande majorité des diabètes. Il s’agit d’une maladie causée par une insensibilité des cellules à l’insuline. Les cellules ne stockent plus correctement le sucre : la glycémie va rester élevée. Pour essayer de compenser cette insensibilité, les cellules béta du pancréas produisent toujours plus d’insuline jusqu’à ne plus pouvoir suivre la cadence. L’apparition du diabète 2 est favorisée par l’obésité, l’alimentation riche en sucre, la sédentarité. Il existe d’autres causes comme la génétique, la vieillesse, la grossesse (qui disparaît après la naissance), l’action de certains médicaments (7)
Le diabète de type 3 touche le cerveau. Il est encore mal défini mais il serait associé à une diminution du nombre de récepteurs à l’insuline dans le cerveau, ce qui empêche les neurones d’absorber le sucre et donc de fonctionner. D’autres causes sont associées comme l’insuffisance de sécrétion en insuline, une perturbation du métabolisme du sucre dans le cerveau (8)
Les premières preuves d’effets du thé sur le diabète : de la cellule à l’Homme ?
Diabète de type 1
Deux effets du thé seraient bénéfiques pour le diabète 1 : l’effet hypoglycémiant et empêcher la destruction des cellules béta. Les études se sont intéressées à l’EGCG, le polyphénol du thé ayant le potentiel antioxydant le plus élevé.
Si des effets hypoglycémiants de l’EGCG ont été montrés dans les cultures de cellules, quelques études chez la souris diabétique non obèse ont montré que la consommation quotidienne d’EGCG pure diminue le taux de sucre sanguin. Dans l’étude de Fu en 2011 (9), les souris diabétiques ayant consommé de l’EGCG pure pendant 31 semaines ont une glycémie qui n’a pas augmenté pendant 16 semaines par rapport aux souris diabétiques ayant consommé de l’eau. La glycémie des souris diabétiques non traitées quadruple après 31 semaines,soit 50% de plus par rapport aux souris EGCG.
L’effet hypoglycémiant de l’EGCG se traduirait par une diminution de l’incidence de diabète 1 (25% contre plus de 60%) et de la mortalité (90% de souris vivantes contre 40%). De plus, le taux d’hémoglobine glyquée (protéine des globules rouges ayant fixées le sucre) diminue de 2% et les taux d’insuline quintuple 2h après consommation de glucose et après consommation d’EGCG.
Mais est-ce que l’EGCG prévient la destruction des cellules béta du pancréas ?
Les résultats sont plus contrastés. Dans l’étude de Fu, l’EGCG n’a pas d’effet protecteur sur les cellules béta du pancréas des souris diabétiques. Zhang et ses collaborateurs ont montré en 2011 que l’EGCG protège les cultures de cellules béta de souris de la mort induite par la présence de molécules inflammatoires en réduisant l’apparition de marqueurs biologiques induisant la mortalité cellulaire (10)
Il semblerait que l’EGCG atténue l’hyperglycémie et ralenti l’apparition de la maladie dans les modèles cellulaires et animaux. Mais en l’absence de données sur l’Homme et aux vues des contradictions relevées dans les différents modèles, il n’est pas possible de conclure à un effet protecteur net du thé sur le diabète 1.
Diabète 2
Le thé est étudié pour ses propriétés hypoglycémiantes. De manière similaire au diabète 1, les modèles cellulaires et animales prouvent cet effet hypoglycémiant mais dans des conditions très expérimentales. Contrairement au diabète 1, il existe de nombreuses études sur la consommation quotidienne de thé chez l’Homme pour la prévention de la maladie. Trois revues scientifiques ont compilé les études chez l’Homme : en 2014 par Yang et al., Yu et al. en 2017 et Meng et al. en 2019.
Ces chercheurs sont arrivés à la même conclusion : des résultats contradictoires, quelque soit la couleur de thé. Certaines études prouvent des effets protecteurs contre la survenue de la maladie et pour l’atténuation de l’hyperglycémie (Yang et al. ont même montré que ces effets apparaîtraient à partir de 3 tasses / jour). D’autres études démontrent que le thé ne freine pas la survenue de la maladie.
Qu’est-ce qui coince ?
Par rapport aux études répertoriées et les conclusions des trois publications, de nombreuses raisons pourraient expliquer les différences de résultats :
- La forme du thé. La plupart du temps, ce sont des extraits de thés et des molécules pures qui sont prescrites. La moitié des publications décrites par Yu et al. est réalisée sur la base de consommation d’extraits de thé ou d’EGCG. Si chaque dose et formulation divergent, les résultats peuvent être irréguliers.
- La rigueur dans la méthodologie. Yang et al. ont compilé 500 publications mais seules 12 ont été retenues. Ces publications précisaient : infusion de feuilles de thés, les doses (tasse / jour), le type de thé choisi, le détail de la préparation du thé. Dans la publication de Meng et al., la grande majorité des publications ne précisaient pas les quantités de thé qui ont été bues (tasse/jour).
- La prise en compte de paramètres autre que le thé. Il y aurait des différences constatées par rapport au sexe (plus d’effets bénéfiques chez les hommes), par rapport à l’ethnie (principalement entre asiatique, USA et européene).
Tout comme pour le diabète 1, les polyphénols réduiraient la glycémie et pourraient ralentir la survenue de la maladie dans les modèles cellulaires, animaux mais aussi chez certaines personnes. Cependant, la compilation des études sur le thé et le diabète 2 chez l’Homme ne permettent pas de conclure à des effets nets de protection de la survenue de la maladie par le thé.
Les effets anti-diabétiques du thé seraient-ils une chimère ? Sciences Thé ne va pas vous mentir, il y a trop de contradictions et de conditions encore trop expérimentales pour pouvoir parler d’effets anti-diabétiques. Même pour la prévention du diabète 2. Les études conduites sont encore jeunes (la majorité ont moins de 15 ans), il va falloir encore un peu de temps et d’harmonisation des méthodes.
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