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Pourquoi dit-on que le thé est bon pour les os ?

Dernière mise à jour : 13 juin 2020

On dit souvent de consommer des produits laitiers et de faire des cures de vitamine D pour la bonne santé des os. Mais avez-vous entendu parler de ça pour la consommation de thé ? Est-ce des faits ou des conclusions hâtives ?


La bonne santé des os : une affaire de molécules et de communication cellulaire


Les os sont le point d’ancrage à nos muscles, ils retiennent et forment la première charpente pour nos organes. L’intérieur des os, appelé moelle osseuse, contient des cellules hématopoïétiques responsables qui lorsqu’elles se spécialisent permettent de donner nos cellules sanguines (globules rouges, cellules immunitaires). Les os sont aussi une réserve à calcium essentielle pour le fonctionnement de nos cellules.


Les os sont, à la base, formés d’une pièce de cartilage qui va s’agrandir au cours de la croissance. Pour assurer cette croissance, le cartilage est infiltré par des vaisseaux sanguins qui apportent nutriments et oxygène nécessaires à ce phénomène. Les futures cellules hématopoïétiques et osseuses coloniseront l’espace central du cartilage par le biais de la vascularisation. Si on prend un fémur, la partie osseuse est la partie longue et ses extrémités sont faits du cartilage de base.


Pour assurer l’entretien de l’os, il faut un équilibre entre la synthèse des molécules composant le tissu osseux (matrice extracellulaire osseuse, par exemple le collagène I) et la destruction des zones usées par le temps. La synthèse est assurée par les ostéoblastes et la destruction par les ostéoclastes, deux types de cellules osseuses. Le remodelage de l’os est régulé par de nombreux signaux moléculaires à l’intérieur des cellules et qui se fixent à la surface des cellules osseuses.

Par exemple, la vitamine D peut se fixer à la surface des ostéoblastes et des ostéocytes (les cellules de structure de l’os) ce qui entraîne l’absorption de calcium par les cellules ou minéralisation. Le remodelage des os dépend aussi des interactions entre les ostéoblastes et ostéoclastes. Les ostéoblastes activent les ostéoclastes pour empêcher d’avoir trop de synthèse ou peuvent entraîner leur mort selon les autres signaux moléculaires environnants.

Quand les os sont fragilisés


Lorsque nous vieillissons, le remodelage osseux n’est plus aussi performant, nos os perdent en rigidité. Chez certaines personnes âgées et en particulier les femmes ménopausées (les œstrogènes sont des régulateurs du remodelage osseux), ce vieillissement est accéléré : c’est l’ostéoporose. Elle peut se développer spontanément avec l’âge ou des suites de maladies comme la polyarthrite rhumatoïde ou une mauvaise hygiène de vie. Il s’agit d’une maladie qui peut être très handicapante surtout selon la fracture concernée notamment les vertèbres ou le bassin.


De nombreux traitements sont en cours de développement en raison d’une prise en charge encore limitée de la maladie. Des efforts sont également en place pour la prévention de la fragilisation et la limitation de la survenue de fractures par l’exercice physique et la cure de vitamine D.


Le thé : le nouveau lait ?

L’une des premières études prospectives sur la consommation régulière de thé et l’ostéoporose a été publiée en 2003 par Pettinger et ses collaborateurs. Ils ont publié les résultats de cohortes qui se sont déroulées de 1994 à 1998 pour un total de 91465 femmes ménopausées âgées de 50 à 79 ans aux USA. Les auteurs n’ont pas montré d’augmentation de risque fracture et d’aggravation de l’ostéoporose par la consommation de thé (entre une tasse et plus de 4 tasses) contrairement à d’autres études américaines, avec de plus petits effectifs, de cette époque qui montraient des effets délétères de la caféine dans le thé sur la densité osseuse . Cependant, il y a un manque de suivi sur la régularité de consommation de thé et les familles de thé consommées dans ces études qui ont été prises en compte pour les études des années 2000 à nos jours.


Pour mettre en évidence les effets du thé sur l’ostéoporose, les recherches ont porté d’une part sur les études in vitro (cellules osseuses ostéoclastes/blastes) et in vivo (modèle animal mimant le vieillissement osseux) en laboratoire et les nouveaux suivis cliniques.


Résultats laboratoire


On les voit quasiment toujours en recherche, les polyphénols du thé permettraient de réguler le remodelage osseux en favorisant la formation de l’os et en limitant la destruction des os. Les catéchines, en particulier l’EGCG, permettraient la formation d’ostéoblastes matures capables de produire une enzyme (phosphatase alcaline) importante pour le métabolisme de ces cellules. Ils permettraient aussi d’enclencher le processus de minéralisation et de protéger les ostéoblastes de la mort cellulaire. En revanche, les auteurs de cette revue scientifique ont également souligné que des fortes doses d’EGCG peuvent empêcher le bon fonctionnement des ostéoblastes dans des coupes de fémur. Il est donc important de prendre en compte la dose maximale utilisable. En parallèle, l’EGCG semblerait induire la mort des ostéoclastes. Cependant, cela ne semble pas avoir d’impact sur la fonctionnalité des ostéoblastes (les interactions entre ostéoblastes/clastes étant essentielles).


Il semblerait aussi que les polyphénols soient capables de réduire le stress oxydatif, la formation de molécules créant des dégâts aux cellules des os au cours de l’ostéoporose. Si la plupart des résultats ont été montrés pour les polyphénols du thé vert, cela semble aussi être le cas pour le thé noir infusé et la théarubigine. Ils divisent par deux le nombre d’ostéoclastes et diminuent la signature moléculaire de l’activité des ostéoclastes.

Les études chez l’animal ont surtout porté sur les extraits de thés verts, en particulier les polyphénols du thé vert isolés. Il semble que la consommation de polyphénols du thé vert permettrait de préserver la densité osseuse et de préserver la bonne balance du remodelage osseux à concentration proche d’une consommation d’1 à 4 tasses par jour. Ces effets ont été constatés aussi bien chez des rats femelles ovariectomisés que chez des rats mâles âgés. Récemment, Liang et al. ont démontré que la consommation de 1/10 de thé noir infusé (1g/10cl) et d’extrait de théarubigines pendant 12 semaines par des rats ovariectomisés augmente la concentration en phosphatase alcaline (+150%), de la protéine osseuse BGP (+50%).

De plus, il semblerait que la consommation de polyphénols du thé vert chez les rats obèses pendant 16 semaines puissent prévenir des altérations osseuses qui peuvent être observées dans le cas de l’obésité.


Résultat chez l’Homme


Entre l’étude de 2003 et aujourd’hui, la majorité des études n’ont pas montré d’aggravation de l’ostéoporose ou d’augmentation de la survenue des fractures par la consommation de thés. La réputation de la caféine qui réduit la densité osseuse n’est donc pas de mise ici.


Une méta-analyse de 17 études chez la femme et l’homme âgé (entre 1988 et 2014) semble révéler des effets bénéfiques du thé sur l’ostéoporose (par exemple l’augmentation de la BMD ou densité minérale osseuse, marqueur d’un os en bonne santé) malgré l’hétérogénéité des études (nombre de volontaires, thé consommé, etc). Comme toutes méta-analyses, il n’est pas exclu que certains jeux de données aient été écartés par erreur.


Une étude lancée en 2014 sur 435 patients âgés et consommateurs de thé a été publiée en 2016 a incorporé un certain nombre de paramètres :

- Le genre des patients

- L’âge

- Leur IMC

- Leur habitude de consommation de thé (combien de fois par semaine, le nombre d’années de consommation régulière, la quantité de feuilles de thé infusée en un an)


Les auteurs ont observé une diminution des cas de fractures de la hanche et du fémur en analysant chacun des paramètres un à un. Lorsque les facteurs de risques et ces paramètres sont pris en compte, on constate que même si les effets sont plus modestes, il y a une réduction du risque de fracture. Cependant, les résultats semblent plus prononcés pour les hommes que pour les femmes. L’empreinte hormonale serait donc importante à prendre en compte. Il semblerait que la famille de thé (vert, noir et oolong) n’ait pas d’impact sur les résultats mais peu d’informations sont disponibles à ce sujet.

 

Le thé n’a pas prouvé de révolution thérapeutique contre l’ostéoporose. Mais à priori, il n’y aurait pas de contre-indication de consommation de thé en cas d’ostéoporose et pourrait chez certaines personnes atténuer les risques de fractures. Des précisions sont encore nécessaires sur la famille de thés ayant le plus d’effets, à quelle dose de thé et au bout de combien de temps de consommation quotidienne les effets bénéfiques apparaissent.

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