Le thé vert à la menthe, un classique théiné rafraîchissant. Outre une haleine fraiche, internet vante sa consommation pour une meilleure digestion. La diversité des articles introduit aussi des sources de contradictions sur les risques de reflux gastriques ainsi que sur le type d’aromatisation concerné. Qui croire ? Quelles informations sont à retenir sur le thé vert à la menthe ?
Le thé vert à la menthe a été introduit au XIXème siècle grâce au commerce du thé et la menthe marocaine. Cette association entre le thé vert et les feuilles de menthe donne une boisson très désaltérante … aux bienfaits surprenants. Le thé vert fait l’objet d’un véritable boom dans la recherche sur la santé pour son action antioxydante tandis que les études sur la menthe ont démontré de nombreux effets bénéfiques sur la digestion. Mais pourquoi s’intéresser au thé vert ? A la menthe ? Que sait-on exactement ?
La digestion c’est quoi exactement ?
La digestion c’est le processus qui permet la transformation de nos aliments en nutriments pour le corps. De la mastication au passage des aliments dans les intestins, la digestion fait intervenir de nombreuses transformations intermédiaires. Celles-ci permettent de dissocier les molécules clés comme les glucides et les lipides. L’absorption des lipides et des glucides a lieu dans les intestins. En cas de mauvais fonctionnement du système digestif, nous ressentons des maux de ventre. Ils peuvent résulter d’un endommagement de la barrière intestinale formée par les cellules intestinales ou d’une saturation de l’absorption des glucides/lipides.
Les glucides et les lipides vont subir des transformations pour leur absorption par les cellules de la paroi intestinale. Ils sont pris en charge par des molécules à la surface des cellules intestinales appelées transporteurs. Après fixation de certaines molécules (calcium, potassium, …) aux transporteurs, les glucides et lipides vont entrer dans les cellules et passer dans la circulation sanguine. Ils seront alors acheminés aux autres organes. Dans le cas d’une alimentation trop riche, une part anormalement importante de glucides/lipides va être absorbée et va transiter dans le sang. Ceci peut générer à long terme des problèmes cardiovasculaires, la prise de poids, le diabète, etc.
Certaines équipes de recherche visent à moduler la digestion et l’absorption de ces nutriments pour limiter la survenue de ces maladies du XXIème siècle. Mais que faire ?
Le thé vert, plus qu’un cocktail antioxydant
Le thé vert a longtemps été présenté pour son pouvoir antioxydant, beaucoup moins pour ces effets sur la digestion. En 2003, l’équipe de Raederstorff (1) a étudié l’impact de l’ingestion quotidienne d’EGCG, le polyphénol du thé vert le plus antioxydant, sur l’absorption du cholestérol et des lipides. Pour cela, des rats ont suivi un régime riche en graisses, enrichi avec différentes doses d’EGCG pendant 4 semaines. Ils ont observé une diminution de l’absorption de cholestérol de 6 à 16% pour des doses croissantes d’EGCG. Le taux sanguin de cholestérol est également diminué. En revanche, ils n’ont pas montré de diminution nette d’absorption des lipides et du taux sanguin de lipides. Ces auteurs sont allés plus loin en montrant à l’échelle de la cellule une diminution de la taille des lipides absorbés après consommation d’EGCG.
Ces premières données ont permis de montrer que le thé vert serait capable d’empêcher une trop forte absorption du cholestérol et une limitation de la quantité de lipides absorbée. Depuis, d’autres études chez l’animal et les cellules ont montré une diminution de l’absorption des lipides et des glucides au niveau intestinal ainsi qu’une diminution des taux sanguins de glucides et des lipides (2).
Mais alors le thé vert, il fonctionne comment dans la digestion ?
Dans le cas des lipides, les chercheurs pensent que les catéchines (types de polyphénols du thé vert) bloqueraient les transformations intermédiaires des lipides mais aussi les transporteurs des lipides pour le passage dans le sang. C’est d’autant plus intéressant que ce blocage interviendrait à l’intérieur même des cellules, sur les molécules nécessaires à la production de ces transporteurs (3).
Dans le cas des glucides, les catéchines semblent diminuer l’absorption des glucides par les cellules de la paroi intestinale. Leur mode d’action semble proche de l’insuline car les catéchines se fixeraient aux transporteurs des glucides pour bloquer leur entrée dans les cellules intestinales. Ceci a pour effet de diminuer le taux de glucides dans le sang (4).
Quelques études chez l’Homme prouvent ces effets, notamment celle de l’équipe de Lochocka sortie en 2015 qui montre une diminution de l’absorption intestinale des glucides (5).
Et la menthe, c’est pour le goût ?
La menthe est étudiée en recherche depuis plusieurs dizaines d’années. Dans le cas de la digestion, l’infusion à la menthe est connue comme « remède de grand-mère » pour calmer les maux de ventre.
De son petit nom Mentha longifolia, la menthe a démontré son action sur les muscles lisses intestinaux. Ces muscles se contractent et décontractent au fur et à mesure de l’avancée des aliments dans les intestins. Des terminaisons nerveuses détectent les aliments digérés qui entrent en contact des muscles intestinaux. Un signal nerveux sera généré vers le cerveau qui va ordonner la contraction des muscles pour la poussée des aliments ou alors leur décontraction pour laisser circuler les aliments. Des contractions trop fortes et trop nombreuses peuvent survenir en cas de mauvaise digestion : ce sont les spasmes.
La menthe est capable de bloquer l’entrée du calcium dans les cellules musculaires intestinales, ce qui empêche la génération du signal nerveux de contraction musculaire. Cette action relaxante est également couplée à un effet analgésique sur les muscles intestinaux (6)
Aujourd’hui, la menthe se présente sous différentes formes de consommation : arôme, huile essentielle ou feuille entière. Si l’arôme n’a aucune vertu thérapeutique, il a été montré sur les cellules, chez l’animal et l’Homme que l’huile essentielle de menthe poivrée (7) et l’infusion de feuilles de menthe faciliteraient la digestion grâce aux effets décrits précédemment. A ce jour, il n’existe aucune étude comparative qui déterminerait si l’huile essentielle est meilleure que la feuille entière.
Pourtant, il existe quelques ombres à ce tableau. L’action de relaxation musculaire n’est pas bénéfique pour tout le système digestif (8). En effet, l’ouverture et la fermeture de l’estomac sont régulées par un muscle. La menthe serait capable d’entraîner le relâchement de ce muscle ce qui peut augmenter le risque de reflux acides au niveau de l’œsophage : ce sont les sensations de brûlures au niveau de la gorge. Même si toutes les études ne sont pas d’accord, il faut faire attention à la consommation de menthe en cas de maladies gastriques.
Alors, thé vert et menthe, une association gagnante ?
Sur le papier et en pratique, le thé vert et la menthe présentent des effets bénéfiques sur la digestion qui se complètent bien. Pourtant, il n’existe pas d’études prouvant le bénéfice de cette association sur la digestion. Une étude sortie en 2018 (9) met en évidence que l’encapsulation d’essence de thé vert et de menthe poivrée génère une action antimicrobienne et antioxydante deux fois à 9,4 fois supérieures aux huiles essentielles de menthe poivrée et de thé vert seules.
Il faut également se méfier de la menthe dans les thés verts aromatisés. Certaines marques enferment l’arôme et l’huile essentielle de menthe dans des capsules blanches qui se dissolvent dans l’eau chaude. Il n’existe à ce jour aucune information sur la nature exacte de ces capsules ni sur la proportion d’arôme et d’huile essentielle libérées. Pour savoir si vos sachets renferment ces capsules, il suffit d’éventrer un sachet de thé avant de le plonger dans l’eau.
Enfin, dans la plupart des sachets de thé vert à la menthe vendus en commerce, la proportion de feuilles de menthe ne dépasse que rarement 25%. L’effet bénéfique pour la digestion pourrait être plus limité.
Si vous voulez tester une cure digestive rafraîchissante, privilégiez le thé vert en vrac, les feuilles entières de menthe ou l’huile essentielle de menthe poivrée (sur conseil médical ou d’un naturopathe !).
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