Une catégorie de thés verts se démarque particulièrement chez les amateurs de thés verts japonais : les thés d’ombre. Pendant quelques semaines avant la récolte, les théiers sont recouverts d’une bâche qui limite le passage de la lumière. Le but : pousser la plante à entrer en mode « survie », ce qui permet une accumulation de molécules qui va donner une saveur bien marquée aux bourgeons et jeunes feuilles de thé. Une des particularités visuelles de ces feuilles est qu’elles prennent une couleur « vert sapin », plus marquée que des récoltes de thé conventionnelles.
La couleur verte des feuilles de thé vient en majorité de la chlorophylle, un pigment qui permet d’absorber une partie de la lumière du soleil pour la convertir en énergie chimique qui sera utilisée par la plante pour son développement autonome : c’est la photosynthèse. Les recherches sur les thés ombrés ont montré que les plantes synthétisent en plus grande quantité la chlorophylle par rapport aux théiers non ombrés ce qui explique que les feuilles ombrées sont beaucoup plus vertes.
Il y a cependant un hic, la chlorophylle est synthétisée … grâce à la lumière du soleil ! Comment la plante fait pour plus synthétiser ce pigment avec peu de soleil ? Tout comme les humains, les plantes sécrètent des hormones, des molécules qui sont capables de modifier le fonctionnement des cellules. Plusieurs modifications dans les cellules végétales ombrées se mettent en place : les structures de la cellule végétale permettant la synthèse de la chlorophylle (chloroplastes) grossissent et présentent une plus forte activité métabolique. Brièvement elles vont plus synthétiser les principales hormones végétales influençant la structure des chloroplastes, les voies de synthèse de la chlorophylle et les molécules détectant la lumière du soleil. C’est carrément tout l’expression du profil génétique de la plante qui va changer juste avec l’ombrage pour que la plante continue à pousser !
Ceci représente cependant une forme de stress pour la plante. Si elle privilégie la synthèse de chlorophylle pour optimiser la réception de l’énergie solaire, elle ne produira plus correctement certaines molécules nécessaires à son auto-développement. A la manière des crampes musculaires après l’effort, les cellules végétales ne sont plus aussi bien armées pour faire face au stress chimique oxydatif. Ceci pose deux questions majeures : est-ce dangereux pour la pousse de la plante après la récolte ? est-ce un danger à long terme pour la santé de la plante ?
Première réponse positive : des chercheurs ont montré que si les cellules des feuilles ombrées présentent des dégâts liés au stress oxydatif, la remise à la lumière pendant 2 semaines permettait aux feuilles de bien se régénérer.
Deuxième réponse plus préoccupante : un travail récent mené par Yamashita et al. a mis en évidence que l’ombrage trop répété pouvait induire un surstress. Après trois ombrages successifs sur des plants Yabukita, les auteurs ont constaté une diminution de la qualité de synthèse de la chlorophylle. Pendant 6 ans, des champs de thés japonais ombrés ont été suivis par la même équipe. Il semblerait que la capacité des feuilles à la photosynthèse soit réduite et que la synthèse en certains nutriments essentiels comme l’amidon soit plus faible. De plus, la chaleur générée par les bâches semblent avoir encore davantage endommagée les feuilles car les pores de la feuille permettant la transpiration pour réguler la chaleur interne (et oui comme les humains) ne s’ouvrent plus aussi efficacement.
A long terme, est-ce qu’un surombrage n’entacherait pas la qualité des futurs thés ombrés ? Difficile à dire, mais pour aujourd’hui, vous connaissez le secret de la verdure de ces thés !
Références :
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