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Photo du rédacteurM.D

Des plantes dans mon thé !? – Partie 4 : le Chen Pi

Les agrumes sont largement utilisés en cuisine et pour parfumer, leur écorce peut aussi être utilisée pour parfumer l’eau de certains thés. En particulier, l’écorce séchée de mandarine est utilisée pour le thé et dans la pharmacopée chinoise. Qu’a-t-elle de particulier ?


Le régulateur du Qi

Cette fameuse peau de mandarine est appelée Chen Pi. Les pelures de la mandarine sont séchées puis vieillies plusieurs années. L’infusion du Chen Pi est plutôt mais aussi amère selon l’âge et la qualité des pelures. Plus une pelure est orangée, plus elle a tendance à être sucrée et moins amère. En Chine, le Chen Pi est parfois associé à certaines familles de thés, à des fins gustatives et thérapeutiques.


Les accords thé et Chen Pi


1. Le Pu’Erh cuit est sans doute l’association la plus naturelle avec le Chen Pi. Le Pu’Ehr cuit a un côté terreux et sous-bois atténué par le sucre du Chen Pi. L’amertume du Chen Pi va donner de la profondeur à l’infusion. Quasiment tous les Pu’Ehr cuits fonctionnent avec le Chen Pi.


2. Les thés noirs chinois fonctionnent bien avec le Chen Pi, que ce soit les Qimen ou les Yunnan. Le côté agrume du Chen Pi fonctionne comme pour un thé de Noël au final. Privilégiez cependant des pelures plutôt orangées pour ne pas cumuler les tanins et une forte amertume du Chen Pi.


3. Les thés verts japonais marchent étonnamment bien avec le Chen Pi, à condition de bien le doser. D’une manière générale, les thés verts japonais s’accordent bien avec les agrumes comme le Yuzu. Evitez les Hojicha (la torréfaction peut mal s’accorder avec l’amertume du Chen Pi) ou les Gyokuro (trop délicat pour la puissance du Chen Pi).


4. Les thés verts coréens ou de Java sont aussi assez intéressants avec le Chen Pi puisqu’ils combinent le côté marin des thés japonais et les notes fruits à coque des thés verts chinois.


5. Vous pouvez tenter également les thés verts chinois comme le Long Jing, à condition de ne pas trop doser l’écorce !


6. Les oolongs les plus oxydés comme certains Fancy peuvent fonctionner mais le résultat est parfois hasardeux.


7. Ne tentez pas avec les autres familles, j’ai failli recracher un blanc avec du Chen Pi et un Pu’Erh cru ! Ne parlons pas de la pire association possible : un Darjeeling de printemps très astringent et du Chen Pi moins orangé. Le comble de l’âpreté et de l’amertume …


Pour le dosage du Chen Pi, je ne dépasse pas 3 écorces/10-15cl (et déjà là c’est pas mal dosé). Pour les thés verts, je ne mets qu’une écorce. Je n’ai pas de recul médical sur la question mais certains chinois ne recommandent pas de dépasser 3g par jour.


Le saviez-vous ?


Le Chen Pi est aussi un régulateur de Qi dans la pharmacopée chinoise. Il permettrait d’apaiser entre autres la majorité des troubles digestifs comme les nausées ou les crampes intestinales. En 2018, une revue de la littérature scientifique a récapitulé plus de 140 composés chimiques thérapeutiques contenus dans le Chen Pi pour de nombreuses pathologies (troubles cardiovasculaires, inflammatoires, etc). Nous ne nous intéresserons qu’à la partie digestion dans un soucis de structuration du discours.


Parmi ces composés, le synéphrine et l’hespéridine seraient responsables de l’amélioration des mouvements gastro-intestinaux. Notre système digestif est composé d’organes (estomac, intestins, etc) entourés de fibres musculaires lisses. Pour pouvoir faire progresser les aliments, les muscles lisses doivent se contracter. Pour laisser progresser les aliments, les muscles lisses placés plus loin doivent se décontracter. Ces muscles sont à contraction automatique.


Lorsque les aliments touchent les terminaisons nerveuses situées à la surface de ces muscles lisses, un signal nerveux est envoyé au cerveau. Il va traiter le signal et renvoyer un signal nerveux aux muscles lisses du système digestif : la contraction ou la décontraction du muscle. L’intégration et la propagation des signaux générés du cerveau aux muscles nécessitent des neurotransmetteurs, des molécules qui vont permettre la conduction des signaux. Par exemple, certains neurotransmetteurs peuvent ouvrir des canaux laissant passer le calcium pour le fonctionnement des cellules et la contraction musculaire.


La synéphrine augmenterait la sécrétion de neurotransmetteurs enclenchant la contraction des muscles gastro-intestinaux et réduit ceux qui réduisent qui induisent la décontraction. L’hespéridine augmente la sécrétion de la gastrine, une hormone de l’estomac qui permet le renouvellement des cellules de surface de l’estomac et réduit l’acidité stomacale. Elle pourrait également être en synergie avec la synéphrine en diminuant la sécrétion de neurotransmetteurs impliqués dans la contraction musculaire. Il y aurait alors un meilleur contrôle des mouvements gastro-intestinaux et donc une meilleure digestion (1)


En plus de ces propriétés sur la digestion, il semblerait que la consommation quotidienne de Chen Pi puisse aider à prévenir le diabète de type II et l’absorption des graisses. Le diabète de type II se traduit par une résistance à l’insuline, une hormone qui permet de réguler le taux de sucre dans le sang. Elle pousse les cellules adipeuses, du foie et des muscles à absorber le muscle. Cette maladie se développe dans la plupart des cas par le surpoids et l’obésité. Le diabète de type II se traduit par des taux sanguins de sucre trop élevés qui endommagent à terme :


- Les reins (les reins fonctionnent comme une passoire : les particules trop grosses ne passent pas et si l’on force, cela casse la passoire)

- Les nerfs (si une explication nette n’est pas encore donnée, il semblerait qu’une des explications les plus plausibles soit un désordre métabolique. La voie des polyols semble suractiver pour prendre en réponse à l’excès de sucre. Cette voie métabolique utilise des molécules appelés co-facteurs qui sont importants pour le fonctionnement de la signalisation nerveuse. Le fonction du système nerveux se retrouverait ainsi moins efficace (2).

- La fonction cardiovasculaire (associé au surpoids et l’obésité)

- La rétine (il semblerait que le diabète perturbe le métabolisme de l’acide rétinoïque et de la vitamine A, qui sont clés pour le bon fonctionnement des yeux (3)


Dans une étude sortie en 2016 (4) chez la souris obèse présentant du diabète, il a été montré que la consommation quotidienne d’infusion d’extraits de Chen Pi pendant 15 semaines diminue de 20% le taux de sucre dans le sang et divise par 4 les taux sanguins d’insuline dans le sang. De plus, l’injection d’insuline divise par deux le taux sanguin de glucose des souris qui ont consommées du Chen Pi par rapport aux souris non traitées ce qui démontrent une action de l’insuline plus performante grâce au Chen Pi.


Cette diminution des symptômes du diabète II semble être associées à une diminution des graisses dans le foie après consommation de Chen Pi. En effet, le poids du foie des souris ayant consommées du Chen Pi est divisé par deux qui est associé à un taux de triglycérides hépatiques divisé par 3,6. Les cellules graisseuses aussi appelées adipocytes apparaissent beaucoup plus petites après consommation de Chen Pi ce qui s’expliquerait par un métabolisme des graisses plus important pour l’élimination de la graisse dans ces cellules.


Ces données sont particulièrement intéressantes puisque les études du Pu’Erh sur le surpoids et l’obésité révèlent des résultats similaires. L’association du Chen Pi et du Pu’Erh pourrait être particulièrement intéressante pour améliorer les indications en vigueur (alimentation adaptée, pratique physique régulière, etc).

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