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Le thé contre les maladies ? 500000 buveurs de thé noir à la loupe

Près de 500000 buveurs de thés scrutés à la loupe, c’est la plus grande cohorte (suivi de personnes) réalisée à ce jour. De manière surprenante, ici ce ne sont pas les buveurs de thé verts qui sont à l’honneur mais les buveurs de thé noir. Cette étude publiée cet été 2022 a fait les choux des tabloïds anglais. D’un point de vue scientifique, qu’est-ce qui se cache derrière « la diminution de toutes causes de mortalité par le thé noir » ?


Le suivi des 500000 buveurs de thé noir âgés de 40 à 69 ans a été réalisé entre 2006 et 2010. Chaque personne devait répondre à un questionnaire sur leur consommation de thé allant de 0 à plus de 10 tasses de thé par jour mais aussi sur la température du thé (tiède / chaud / bouillant), le type de thé (ici majoritairement noir) ainsi que l’ajout d’additifs (sucre, lait, l’étude est britannique, il est courant de sucrer et/ou mettre du lait).


Pourquoi obtenir ces informations ? Pour comprendre si des effets bénéfiques apparaissent de manière dose-dépendante (plus on boit de thé, mieux c’est), si l’ajout de sucre/lait interfère ou non avec le thé et si la chaleur favoriserait ou non l’apparition de pathologies (certaines études montrent que le thé bouillant pourraient favoriser l’apparition de cancer gastriques et œsophagiens, les résultats sont encore à débattre).


D’autres informations ont été répertoriés comme le sexe, l’ethnie, les antécédents médicaux (surpoids/obésité, alcool et tabagisme compris).


Pourquoi toutes ses informations ? Le but est d’obtenir un maximum d’informations permettant de comprendre si : le thé a un impact sur la prévention d’apparitions de maladies (cancers, maladies cardiovasculaires, maladies respiratoires) et s’il y a des différences voire un gain pour des populations à risque (obésité, maladies sexe-dépendant, etc).


Les résultats de l’étude ont été largement relayés dans les médias, je ne m’attarderais donc pas énormément dessus, toutes les causes de mortalité étaient réduites de 4% à 50% dans cette cohorte. Pourtant, il y a des éléments extrêmement importants à discuter pour comprendre toutes les nuances de l’étude qui font qu’elle n’est pas juste une énième étude sur « le thé c’est bien pour la santé » !


Tout d’abord, les responsables de l’étude se sont intéressés aux courbes « dose-réponses », c’est-à-dire à partir de combien de tasses de thé consommées les personnes réagissaient le mieux. La première information à retenir est que ni l’ajout d’additif, ni la température d’infusion n’ont eu d’impact sur ces courbes. Ainsi quelque soit le nombre de tasses de thé bues avec sucre/lait/chaleur, cela n’a pas affecté la qualité de réponse des personnes.


Il semblerait que les meilleurs données « dose-réponse » aient été obtenues à partir de 2 tasses. Si les résultats sont toujours légèrement supérieurs aux non buveurs de thé pour 8-9 tasses, ils le sont moins que pour les buveurs de 2 tasses de thé par jour.


Pourquoi ? Il faut s’intéresser aux profils des buveurs. Ceux qui buvaient le plus de thés quotidiennement étaient des personnes avec un bilan santé moins favorables, notamment une plus grande présence de cas d’obésité. Il n’est donc pas possible de conclure que le thé à partir de 8 à 9 tasses de thé à un effet plus restreint sur l’apparition de maladies.

Les chercheurs, de manière surprenante, n’ont pas constaté de différences hommes/femmes et par rapport à l’ethnie. Or, on sait que certaines maladies arrivent plus ou moins fréquemment chez certaines populations.


Pourquoi ? Cette question avec le seul suivi des personnes n’a pas pu être répondue. Ils ont réalisé des prélèvements pour obtenir le potentiel métabolique des personnes, la capacité de chaque personne à « intégrer », métaboliser la caféine. En effet, entre les différentes personnes, il y a des différences quand à la gestion de la caféine dans le corps (on dit souvent « je suis sensible à la caféine » ou non), et ceci est dicté par notre génétique, vous ne pouvez rien y faire. De manière très intéressante, le profil métabolique des personnes n’a aucun impact sur les résultats. Que vous ayez ou non une bonne gestion de la caféine, les résultats seraient les mêmes.


Ce qui fait de cette étude une publication intéressante est aussi le fait que les auteurs ont mis en avant les grosses limites. En effet, pour faciliter le suivi, il a été demandé aux personnes d’évaluer leur consommation en « tasse ». Hors, une tasse peut représenter des volumes très diversifiés. La tasse classique mesure entre 15 et 20cl tandis que les mugs modernes >30cl, ce qui change complètement le volume d’eau absorbé et/ou la quantité de thé utilisée.


D’ailleurs, le gros point noir de l’étude est le manque de traçabilité des quantités de thé infusées par les personnes. Il n’est donc pas possible de comprendre si c’est la fréquence de consommation ou bien si c’est la quantité de thé totale qui aurait un effet bénéfique sur la santé.


A titre personnel, un autre critère important est la qualité des feuilles, puisque chaque partie de la plante (bourgeon, position des feuilles, tiges) produisent des quantités de molécules différentes (https://sciencestea.wixsite.com/monsite/post/th%C3%A9ine-vs-caf%C3%A9ine-qu-en-est-il-exactement )


Autre limite, qui aurait mérité d’être creusée, est la consommation simultanée avec d’autres boissons comme le café. En effet, les auteurs ont soulignés que des personnes buvaient à la fois du thé noir et du café voire plus de café que de thé sans pour autant en tracer la quantité. Il est donc difficile de savoir si c’est la caféine qui est à l’origine de ces effets ou bien d’autres cocktails de molécules aux effets similaires présents dans les deux boissons.


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