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  • Photo du rédacteurM.D

Le thé et le sport : une équipe qui gagne ?

La pratique d’une activité physique est de plus en plus répandue dans la population. Certaines activités physiques nécessitent un rythme de vie ou un régime alimentaire adaptés. Certains pratiquants se tournent vers des compléments alimentaires naturels. Le thé est dans la bouche de certains sportifs, mais est-ce qu’il améliore vraiment les performances sportives ?


Physiologiquement, la pratique d’une activité physique va faire appel à nos muscle. Ceux qui nous intéressent sont appelés muscles squelettiques striés. Il s’agit des muscles que l’on peut contracter par la volonté. Ces muscles sont reliés à nos os par les tendons, des structures fibreuses dont la santé est importante pour le mouvement.


Cependant, avoir beaucoup de muscles serait trop simple pour être performant ! Le muscle a besoin d’énergie pour fonctionner. Une molécule permet cela : l’ATP. L’ATP est obtenue par la dégradation des sucres et des lipides : c’est le métabolisme oxydatif. Ce métabolisme est actif en condition «aérobie », c’est-à-dire en présence d’oxygène. A l’effort, la fréquence respiratoire va augmenter pour faciliter les entrées en oxygène. Le rythme cardiaque va s’accélérer pour augmenter le débit sanguin vers les muscles et pour accélérer l’acheminement des nutriments et de l’oxygène. Les vaisseaux sanguins musculaires vont se dilater pour optimiser le débit sanguin.


Lors des efforts de longues durées et/ou de fortes intensités, le métabolisme oxydatif génère des déchets et peut se retrouver limiter par le manque d’oxygène/débit sanguin/nutriments. Ces déchets peuvent être des radicaux libres, des molécules oxydatives qui vont endommager les fibres musculaires (inflammation, mort des myocytes ou cellules musculaires, etc). Ils peuvent être aussi des produits du métabolisme comme l’acide lactique à l’origine de courbatures lorsqu’il est en excès dans la circulation sanguine (acidose). Avec un métabolisme moins actif, l’accumulation de dégâts au niveau des muscles et l’apparition de courbatures, l’effort physique est plus laborieux et on est moins performant.


Briser du lipide et des molécules oxydantes = meilleures performances ?


Parmi les études sur le thé et le sport, il n’est donc pas étonnant de voir que ce qui est le plus étudié est l’effet antioxydant du thé pour prévenir l’apparition des molécules oxydantes à l’effort et l’amélioration du métabolisme oxydatif des lipides. Dans une étude américaine sur des jeunes sprinters, les analyses sanguines après la consommation d’extraits de thé vert pendant 4 semaines révèlent une diminution de la concentration des principales molécules oxydantes apparaissant au cours des efforts intenses. En revanche, l’étude n’a pas corrélé cette atténuation de la production de molécules oxydantes à une amélioration de la vitesse ou de la résistance des sprinters.


Da Silva et al. ont réalisé un suivi de la récupération musculaire après la réalisation d’exercices physiques et la consommation d’extraits de thé vert. Ce suivi de 15 jours a été réalisé chez des personnes jeunes, ayant une activité physique régulière d’environ 30min plusieurs fois par semaine. Il semblerait que les analyses sanguines montrent une diminution des dommages musculaires par la baisse de molécules oxydantes. En revanche, l’étude a montré que les extraits de thé ne diminuent pas la fatigue musculaire des participants qui a été engendrée par les exercices. Toutefois, les extraits de thés noirs semblent diminuer la fatigue musculaire après 24h et 48h d’exercice physique tout en diminuant le stress oxydatif pour des volontaires jeunes et ayant une activité physique régulière (3 fois par semaine au minimum).


Je pourrais continuer à énumérer un bon nombre de publications sur la diminution des marqueurs de stress oxydant comme ces joueurs de foot qui ont ingérés des polyphénols du thé vert purs, mais ces études n’ont, pour la majorité, pas corrélé une amélioration du métabolisme et une limitation de l’oxydation à une meilleure performance physique.


On peut alors se demander quels effets bénéfiques pour le sport ont été constatés ?


La super pêche des muscles et des tendons ?


Dans une étude japonaise randomisée sur 30 personnes non sportives, Aizawa et al. ont démontré que les théaflavines et les catéchines injectées quotidiennement pendant 8 semaines ont modifié la répartition du poids corporel. Le pourcentage de graisse sous-cutanée a diminué (5%) et la proportion de muscles squelettiques a augmenté (1 à 3% selon les doses). Il faut tout de même noter que si ces proportions modifiées ont été constatées, il n’y a pas eu de tests physiques réalisés pour voir si oui ou non, la pratique physique des participants s’est retrouvée améliorée par les polyphénols purs injectés.


L’augmentation de la masse musculaire des jambes a été aussi constatée dans une étude japonaise de 2012 sur l’ingestion journalière de catéchines et la marche (2 fois par semaine) de femmes de plus de 75 ans atteintes de sarcopénie. Cette augmentation de la masse musculaire dans les jambes a été associée à une vitesse de marche très légèrement plus élevée que chez les patientes ne consommant pas de catéchines . Une étude très récente a également démontré que la mise en contact des cellules musculaires avec des extraits de thé vert pourrait induire la formation des fibres musculaires squelettiques.


Si la proportion de fibres musculaires squelettiques peut conditionner un effort, il faut aussi des tendons en bonne santé. Une étude chez le rat atteint ou non de tendinite au niveau du tendon d’Achille (talon) a démontré que les extraits de thé vert pouvaient diminuer l’activité de molécules responsables de l’inflammation et de la fragilisation des tendons en cas de tendinites. Si cela ne constitue pas une preuve directe du renforcement des tendons par le thé, on peut supposer que le thé pourrait avoir un effet protecteur des tendons limitant l’aggravation des traumatismes qui surviennent à l’effort.


On l’a ainsi constaté, les effets du thé sur les muscles squelettiques striés et les tendons sont présents mais extrêmement modestes. Il subsiste encore ce soucis de corréler performances améliorées et modifications tissulaires.


Alors, où est-ce que cela coincerait ?


Et poussière, tu prendras …


En recherche pour la santé, il est aussi important de se pencher sur les doses et les produits utilisés dans les différentes études. Ce que l’on constate dans les différentes études du thé et du sport, c’est que les chercheurs ont recours le plus souvent à des polyphénols purs en poudre et des extraits de thés en poudre.


Or, une infusion de thé ne contiendra pas forcément la quantité totale de polyphénols présents dans la feuille. En effet, la préparation du thé conditionne la diffusion de ces molécules dans l’eau (température, durée d’infusion, type d’eau, etc). De plus, dans l’organisme, il n’est pas dit que l’absorption des polyphénols naturels de la feuille soit aussi bonnes que celle des polyphénols purs en poudre.


Dans les différentes études, les taux de polyphénols purs et d’extraits de thé en poudre sont extrêmement élevés, en moyenne 400 à 600mg / dose. Or, dans mon article sur la composition moléculaire du thé, si je fais la compilation des articles que j’ai sélectionné, on arrive à une concentration total en polyphénols le plus souvent inférieure à 100 mg/g de feuilles. Si l’on prend en compte les limitations que j’ai énoncé précédemment, pas sûr d’arriver à ces doses avec le seul mug du matin ! Pire, certaines publications sur le thé et le sport se sont basées sur des catéchines pures. Dans une feuille de thé, le taux de catéchines dépasse rarement 10 mg / g de feuilles. C’est carrément une grande carafe qu’il faudrait boire !

 

Malheureusement pour les accros au sport et au thé, il n’est pas si évident que cela d’affirmer que le thé améliorerait nos performances physiques :


- Recours à des extraits purs en poudre très concentrés par rapport à la réalité de la feuille infusée


- Corrélation ténue entre effets sur les muscles/métabolisme et performance physique


- Trop grande disparité de disciplines (sprint, résistance, etc) et de conditions physiques préliminaires (personnes âgées déjà affaiblies, passif sportif, etc) dans la littérature scientifique.


Le nombre d’inconnues s’accumulent de trop pour pouvoir conclure aux bénéfices du thé sur nos pratiques physiques. Il faut tout de même noter que les recherches sont jeunes (un bond dans le nombre de publications est sûrement début 2010 !) et qu’elles ont le mérite de se réaliser dans la plupart des cas avec des personnes volontaires.

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