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Photo du rédacteurM.D

Pourquoi dit-on que le thé fait vivre plus longtemps ?

Depuis plusieurs années, le thé est vanté pour de nombreuses vertus. Le thé frappe encore plus fort avec une étude chinoise sortie en janvier 2020 : le thé permettrait de vivre plus longtemps ! Dans les articles sortis sur mon blog Sciences Thé, le constat est plus souvent proche de la nuance que de la panacée. Qu’est-ce qui ressort vraiment de cette étude et pourquoi est-ce intéressant ?


Antioxydant, anti « mauvais » cholestérol, le thé s’est invité dans tout notre organisme pour le meilleur … et pour le meilleur ! Mais jamais encore il n’a été dit que l’on pouvait vivre « plus longtemps » en buvant du thé.


Mais qu’est-ce qu’on entend par « vivre plus longtemps ? »


Au-delà de ces termes accrocheurs relayés par la presse, il faut parler de prévention, réduire les risques de survenues de maladies. En l’occurrence, une étude chinoise sortie ce début 2020 se positionne sur la prévention de l’athérosclérose, une maladie cardiovasculaire. La recherche sur les maladies cardiovasculaires est plus que jamais nécessaire car elles sont responsables de 30% de la mortalité mondiale et est la 2ème cause de mortalité en France. L’athérosclérose est un nom peu connu et pourtant elle est la principale cause d’infarctus du myocarde, d’AVC et d’angine de poitrine (1) L’athérosclérose est un épaississement de la paroi des vaisseaux sanguins qui peuvent à terme se boucher. Le principal risque vient du type d’artère bouchée : un caillot dans une artère de la jambe n’aura pas les mêmes conséquences que dans l’aorte du cœur.


L’athérosclérose : un mariage forcé entre le cholestérol et le système immunitaire


La survenue de la maladie est très dépendante du mode de vie de chaque personne : sédentarité, tabagisme, hypertension chronique, alimentation, hypercholestérolémie. La clé de voûte de l’athérosclérose est le cholestérol. Le cholestérol est un lipide qui est essentiel pour la membrane des cellules de notre organisme. Dans le sang, le cholestérol est transporté par deux types de protéines : HDL (le « bon cholestérol ») et LDL (« le mauvais cholestérol »). Le LDL transporte le cholestérol sanguin et peut le fixer aux cellules de la paroi des vaisseaux sanguins. Le problème ne va pas venir de la présence de LDL mais de sa quantité.


S’il y a trop de cholestérol qui circule dans le sang, les LDL entraîneront la formation de dépôts de graisse au niveau des vaisseaux sanguins : les stries lipidiques. Ces dépôts vont progressivement faire grossir la paroi des vaisseaux sanguins. L’accumulation de cholestérol est le précurseur de la maladie mais ce n’est pas la seule cause. L’accumulation excessive de graisses au niveau des vaisseaux sanguins provoquent des dégâts au niveau des cellules des vaisseaux sanguins. Ceci est générateur de ROS, des molécules qui oxydent le cholestérol (2) Le cholestérol oxydé devient alors toxique pour les cellules, il faut l’éliminer. Il est détecté par des cellules immunitaires présentes dans le sang et les vaisseaux sanguins. Appelées aussi macrophages, ces cellules vont absorber le cholestérol oxydé pour l’isoler. (3)


Lorsque le phénomène de dépôt de cholestérol oxydé est chronique, les macrophages n’arrivent plus à suivre la cadence et vont finir par mourir libérant le cholestérol oxydé et des molécules inflammatoires : une inflammation chronique va se mettre en place. Pour tenter de contenir le phénomène, les cellules des vaisseaux sanguins vont s’allonger et encapsuler ce mélange cholestérol oxydé/macrophages : des athéromes (4) A long terme, les cellules des vaisseaux sanguins meurent et l’action immunitaire est mal contrôlée. Les athéromes se rompent causant la déchirure de la paroi des vaisseaux sanguins et la formation de caillots. La circulation sanguine est stoppée, provoquant infarctus ou AVC selon la zone touchée.


De l’élaboration de l’étude à la compilation des données


L’étude la plus récente sur l’athérosclérose, sortie en janvier dernier, réunie pas moins de 4 cohortes, étalées de 1998 à 2015. Les données ont été recueillies chez 113848 personnes. Certaines personnes peuvent être exclues de l’étude si elles ne correspondent plus aux critères : arrêt de la consommation de thé, décès, autres maladies, découverte d’antécédents familiaux de risques cardiovasculaires. Ainsi, ce sont les résultats recueillis chez 100902 patients qui ont été analysés : il s’agit du plus grand nombre de personnes rassemblées pour une étude sur le thé. Les personnes ont été séparées en 2 groupes : une consommation de thé supérieure à 3 fois par semaine ou bien inférieure à 3 fois par semaine.  D’autres paramètres ont été considérés, il en ressort par exemple que 49% des buveurs réguliers ont bu du thé vert et que les plus gros consommateurs de thé étaient les hommes, en particulier fumeurs et consommateurs d’alcool.


Des résultats qui parlent d’eux-mêmes


Pour mesurer les effets du thé sur le risque cardiovasculaire, la pression artérielle a été mesurée trois fois par visite médicale et des prises de sang ont été réalisées pour évaluer les taux de LDL. Le mode de vie (régime alimentaire, tabagisme, activité physique) et le type de thé consommé (vert 49%, noir 9%, autres/parfumés 43%) ont été considérés dans l’étude mais il est regrettable que cette équipe de recherche n’ait pas réalisé de sous-groupes. Il aurait alors été possible de démontrer si le thé couplé à une activité physique serait plus protecteur que chaque action séparée ou bien quel type de thé aurait des effets supérieurs.


Si l’étude ne révèle pas de modifications des taux de LDL dans le sang, les patients consommateurs de thé sont moins susceptibles de contracter une maladie cardiovasculaire liée à l’athérosclérose : - 20% de risque. Un des problèmes récurrents de la recherche scientifique est la répétabilité des résultats : un résultat obtenu une fois peut être différent la fois suivante. Il est crucial de refaire les cohortes et de considérer le plus de monde possible. Le fait de retrouver cette tendance à différentes périodes renforcent les résultats obtenus et est fortement encourageant pour un effet cardiovasculaire protecteur reconnu.


Dans la dernière cohorte réalisée entre 2012 et 2015, des données supplémentaires ont mis en évidence des effets protecteurs renforcés pour les personnes ayant toujours consommées du thé par rapport à celles qui ont arrêté de consommer du thé ou qui ont consommées du thé plus tard : -39% de survenue de maladie cardiaque et d’AVC. Au-delà de la consommation de thé, il y aurait des effets apparaissant sur le long terme. Si la fréquence de consommation hebdomadaire de thé est connue des chercheurs, ils n’ont pas précisé les quantités bues. On peut alors se demander si l’action du thé est liée à une dose particulière, à la seule régularité ou encore à un mode de consommation (la consommation du thé en Chine étant différente de celle observée en occident).


Les auteurs de cette étude ont également démontré que les personnes consommant du thé plus de 3 fois par semaine retarderaient la survenue de la maladie de près d’1,5 ans à 50 ans … et que ces personnes gagneraient 1 an et 2 mois de vie supplémentaires à 50 ans. Ce type de données est à prendre avec un certain recul. Dans les graphiques fournis par les auteurs, si à 50 ans on gagne presque 1,5 ans sans maladie cardiovasculaire, ce n’est pas le cas à un âge plus avancé. A 75 ans, on ne gagne plus qu’1 an environ. Il en est de même pour les « 1 an et 2 mois de vie supplémentaire » à l’âge de 50 ans. Ce chiffre diminue à l’âge de 75 ans à moins d’1 an de gain. Ces données sont obtenues au moyen de tests statistiques dont les résultats peuvent varier en fonction du test sélectionné.


Vers la prévention des maladies cardiovasculaires ? Comment ?


Pour comprendre comment le thé pourrait prévenir la survenue de maladies cardiovasculaires, des hypothèses ont été émises par les auteurs. S’ils considèrent plutôt l’action globale des polyphénols, il existe d’autres pistes connues à ce jour. Depuis la création de Sciences Thé, nous avons vu que le thé pouvait modifier l’inflammation ou la présence de graisses dans le sang, deux facteurs favorisant la formation des athéromes et donc le développement d’athérosclérose. En compilant l’ensemble de toutes ces informations, les cohortes pourraient devenir de plus en plus précises pour élaborer des programmes de consommation de thé dans un but préventif.

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