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  • Photo du rédacteurM.D

Thé et COVID-19 : Détox ou intox ?

Depuis la rédaction de mon article sur le thé contre les virus, une dizaine d’études sur les effets du thé contre la COVID-19 ont été publiées dans différents journaux scientifiques. Qu’en est-il exactement ? Est-ce que le thé détruirait le virus ? Bloquerait le virus ? Empêcherait son entrée dans l’organisme ? Différentes questions qui méritent plus de précisions.


Depuis bientôt un an, nous vivons une période de crise sanitaire sans précédent. Si plusieurs thérapies ou dispositifs de prévention contre la COVID-19 sont en cours de développement, il est encore trop tôt pour en connaître les résultats réels et pour en prouver l’innocuité. Certains scientifiques s’intéressent à des molécules d’origine naturelle, notamment les polyphénols du thé qui seraient capables de limiter l’entrée de certains virus et auraient même une activité antivirale.


Mais la COVID-19, ça fonctionne comment ?


La COVID-19 appartient à la famille des Coronaviridae, des virus à ARN entourés d’une enveloppe virale. Le virus est transmis par voie aérienne et contact rapproché. A la surface de leur enveloppe virale, il y a des épines (spicules) contenant des protéines qui se fixent sur des récepteurs à la surface de nos cellules. Parmi les récepteurs qui fixent les protéines virales, il y a ACE2 qui est présent à la surface des cellules pulmonaires alvéolaires. Lorsque la COVID-19 se fixe sur le récepteur, il rentre dans les cellules pulmonaires et l’ensemble des processus de réplication virale se mettront en place. Pour permettre la réplication du matériel génétique viral et pour permettre la synthèse des protéines virales des nouveaux virus formés, le virus possède un certain nombre d’enzymes. 3CLpro ou Mpro est une des protéases les plus étudiées dans le cadre de la COVID-19 car elle est clé pour la réplication et la transcription du matériel génétique viral.


Est-ce que le thé pourrait interférer avec le virus ?


Certains chercheurs se sont intéressés au pouvoir inhibiteur des polyphénols contenus dans le thé (catéchines du thé vert, théaflavines du thé noir) sur les enzymes du virus, c’est-à-dire est-ce que les polyphénols se fixent sur les sites actifs des enzymes virales et empêchent leur activité.


Pour cela, des études bioinformatiques de docking ont été réalisées. A partir de la structure 3D et la composition en acides aminées connues des enzymes virales, de leur site actif et des polyphénols, il est possible de modéliser informatiquement si un polyphénol peut se fixer dans le site d’activité de l’enzyme virale pour empêcher son activité et de prédire la force de fixation du polyphénol à l’enzyme virale.


Bhardwaj et al. et Ghosh et al. ont comparé la force d’accroche et le potentiel inhibiteur de polyphénols de la famille des flavonoïdes (Theasinensin-D du oolong), des théaflavines (Theaflavin-3-O-gallate du thé noir) ou des catéchines (EGCG du thé vert, Oolonghomobisflavan-A du oolong, etc) par rapport à des bloqueurs connu de Mpro virale. Dans ces deux études, il apparaît que la force d’accroche de ces polyphénols serait équivalente aux différents bloqueurs de Mpro. De plus, les moédélisations 3D suggèrent que les polyphénols se fixeraient sur le site actif de Mpro avec une stabilité proche des bloqueurs de Mpro. Si l’on s’intéresse à d’autres enzymes virales de la réplication comme RdRp (synthèse de l’ARN), Singh et al. obtient des projections proches aux deux autres équipes de chercheurs pour des théaflavines et catéchines du thé vert et du thé noir.


Mais ce n’est pas tout ! D’autres études basées sur le docking révèlent que la TF3, un dérivé de la théaflavine, se fixe sur RBD, une protéine des spicules virales nécessaire à la fixation du virus sur le récepteur ACE2 des cellules pulmonaires alvéolaires. Potentiellement, cela signifierait que le virus pourrait ne pas pouvoir entrer dans la cellule à cause de cet encombrement moléculaire.


Ce premier screening est encourageant puisque cela permet aux scientifiques de creuser de nouvelles pistes. Mais cela n’est pas suffisant pour démontrer l’action thérapeutique d’une molécule. Pour le moment, une publication sortie mi-septembre a démontré in vitro que l’activité de la protéase virale Mpro pourrait être réduite jusqu’à 90% sous l’action d’EGCG et de théaflavine. Ce premier résultat est cependant à prendre avec des pincettes car dans cette étude, Mpro a été recrée artificiellement sans prendre l’ensemble du virus ni en considérant en parallèle la cellule infectée. De plus, les concentrations en polyphénols utilisées ne sont pas représentatives de la réalité en tasse.


Pendant ce temps, que devient le système immunitaire face à la COVID-19 ?


Pour enrayer l’infection virale, il semblerait que le système immunitaire innée comprenant les cellules immunitaires circulants dans le sang et présentes dans les alvéoles pulnoraires sont capables de reconnaître des motifs moléculaires à la surface des virus (PAMP). En conséquence, ces cellules immunitaires vont sécréter des cytokines pro-inflammatoires, des molécules capables d’attirer d’autres cellules immunitaires sur le site d’infection. Elles vont aussi sécréter des molécules capables de réguler la réponse immunitaire et de réduire la réplication virale comme les interférons. Il s’agit de la première mise en place de l’inflammation.


Cette première réponse immunitaire peut ne pas être suffisante. Une réponse adaptée se met en place, dirigée spécifiquement contre des protéines virales de COVID-19 et non des motifs PAMP. La réponse immunitaire adaptative sera orchestrée par les lymphocytes Th1, permettant l’action de cellules LTc qui détruisent les cellules infectées, de cellules LB sécrétant des anticorps se fixant au virus pour qu’il soit reconnu par le système immunitaire et de macrophages qui vont absorber les débris cellulaires et les virus. Cette réponse immunitaire nécessite la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires pour attirer ces cellules et les activer. Chez certains patients, l’inflammation générée à cause de ces cytokines est telle que l’on parle « d’ouragan cytokinique», l’activité immunitaire est trop forte et finie par détruire les poumons.


Le thé, gendarme pour un système immunitaire trop actif ?


Dans mon article sur le thé et le système immunitaire, j’ai expliqué que le thé serait capable non pas de booster le système immunitaire mais de le réguler pour éviter qu’il ne s’emballe, notamment dans le cas de pathologies autoimmunitaires ou en cas d’inflammation chronique. Depuis l’écriture de mon article, aucune publication scientifique sur l’effet du thé sur le système immunitaire des patients atteints de la COVID-19 n’a été rédigé. Nous savons cependant que les catéchines du thé vert pourraient diminuer les taux de cytokines dans le cas de surinflammation et pourrait protéger de la fibrose pulmonaire, une des complications observées au cours des pneumonies sévères.

 

Aujourd’hui, nous savons que de nombreux polyphénols du thé comme les catéchines, les théaflavines et les flavonoïdes seraient capables de bloquer les protéines virales nécessaires à l’infection de nos cellules et à la réplication du virus. De plus, ces polyphénols pourraient contribuer à apaiser « l’ouragan cytokinique » et la fibrose pulmonaire, des complications observées chez les patients. Cependant, l’ensemble de ces données restent préliminaires car issues d’études bioinformatiques in silico ou d’analyse de la littérature scientifique pour d’autres virus. Ne vous jetez pas sur votre thé en espérant vous protéger du COVID-19, vous risquez plutôt de squatter vos toilettes après 3L de thé !

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